04 juin 2019

Groupe d’expression – implication verbale et physique

La dimension multifactorielle des risques psychosociaux et de la souffrance au travail nécessite la mise en place d’accompagnements variés et complémentaires qui permettent d’identifier et de traiter les symptômes exprimés individuellement et/ou collectivement. L’équipe PSO travaille en étroite collaboration pour assurer un suivi dans sa globalité auprès de la personne et/ou de l’équipe.

Nous nous intéresserons à la prise en charge de groupe à travers le groupe d’expression, particulièrement pour des populations confrontées à des violences verbales ou physiques. Ces situations, qu’elles soient répétées ou ponctuelles peuvent représenter des événements potentiellement traumatiques pour la personne victime. Le groupe d’expression offre un espace de rencontre entre des personnes touchées par le même type de problématiques dans un espace sécure. Au cours de ce temps, les participants échangent librement entre eux et élaborent une réflexion quant à leurs vécus des situations, au sens qu’ils leurs donnent et à l’impact sur leur sphère personnelle et professionnelle. Cette modalité d’accompagnement a pour objectif de soutenir les participants, les sortir de leur solitude et favoriser le processus de soin et la résolution de l’événement potentiellement traumatique. Il s’agit de rassembler les forces de chacun vers une issue positive de leurs problématiques.

Les métiers d’accueil d’un public sont davantage exposés à des situations de violences verbales et/ou physiques potentiellement traumatiques. C’est dans ce contexte que nous avons préconisé une prise en charge de groupe. Le groupe d’expression est un soutien appréciable où les participants peuvent confronter leurs ressentis réciproques et se sentir étayés dans leur état émotionnel. Ces échanges entre les chargés d’accueil permettent à chacun de se positionner d’une autre manière en fonction des multiples expériences.

Nous avons animé deux séances de groupe d’expression ; lors de la première séance nous avons opté pour une expression uniquement verbale. Pour la seconde séance nous avons ajouté l’expression physique avec l’expérience du jeu de positionnement qui implique physiquement et verbalement les participants. Ce jeu est un exercice où ces derniers se positionnent corporellement sur une ligne imaginaire dans un espace donné pour répondre à une question et illustrer leurs propos relatifs à leurs ressentis et vécus. Durant cet exercice chacun s’est exposé devant ses pairs pour répondre aux questions « Gérer un bénéficiaire insatisfait, c’est facile ? » / « Comment je vis une situation d’agressivité de la part d’un bénéficiaire ? » et s’exprimer sur sa représentation du réel.

Nous (et surtout les participants) avons fait l’expérience lors de la deuxième séance qu’une implication  physique, où le chargé d’accueil se déplace pour représenter son vécu, favorise davantage la verbalisation des émotions et des ressentis associés à une situation de violence. En effet, lors de la première séance les participants étaient plus inhibés. On peut imaginer que le positionnement statique, assis sur une chaise, renforce l’état de figement dans lequel peut être la personne chargée d’accueil lorsqu’elle revient sur un événement potentiellement traumatique, qui n’a pu ni être évité ni affronté.

L’expérience de cette première séance nous amène à faire un parallèle avec la notion de figement : « Les énergies de survie sont organisées dans le cerveau et s’expriment spécifiquement sous forme d’états de tensions musculaires qui nous préparent à l’action. Mais quand nous sommes activés à ce niveau et que le contexte nous empêche d’achever cette action – de combattre ou de fuir –, le système évolue vers un figement ou un effondrement, et cette tension énergétique reste bloquée dans nos muscles » (Peter LEVINE, 2014, Guérir par-delà les mots. Comment le corps dissipe le traumatisme et restaure le bien-être). Ainsi, si l’événement raconté n’est pas intégré par la personne chargée d’accueil comme faisant partie du passé, avec un début et une fin, l’état de figement peut réapparaître en évoquant le souvenir tandis que cette stratégie n’est plus adaptée dans le présent.

Nous pouvons faire l’hypothèse que la dynamique corporelle dans le jeu de positionnement participe à remettre en mouvement ce qui reste figé, et que la parole associée remette l’événement dans sa temporalité, à savoir passé. Proposer au participant de s’exprimer physiquement au moment où il évoque une situation potentiellement traumatique lui permettrait d’être dans l’action, de ne pas rester figé physiquement et de libérer la parole. Certains ont pu verbaliser de la colère contre leur agresseur, se décharger sans danger grâce à la sécurité du groupe, ce qui n’a pas pu être le cas lors de l’événement ni lors de la première séance de groupe.

Selon Peter LEVINE, « Le travail avec le corps consiste à réactiver, en quelque sorte, le processus naturel qui permet de sortir de l’état de figement » (2014).

A la suite de cet accompagnement collectif, la responsable témoigne auprès de notre équipe « Les chargés d’accueil ont beaucoup apprécié le fait d’être en action pour parler de leurs vécus et d’être dynamiques plutôt que d’être uniquement centrés sur la parole », ce qui est venu confirmer notre ressenti.

Dans cette situation, notre cabinet est parvenu à identifier au mieux les besoins, cibler la problématique collective, réajuster l’intervention pour favoriser une décharge émotionnelle et une reconstruction personnelle.

 

Priscille DE CHARETTE

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